Freedom

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T'as grandi dans une petite ville du centre-ouest de la Corée du Sud. Le genre de petite ville où tout le monde se connaît. Où les secrets de polichinelle n'ont pas lieu d'être. Où les rumeurs circulent à la vitesse de la lumière. Où  il fait bon de se juger l'un l'autre. Ce genre de ville dans laquelle on étouffe si on ne rentre pas dans le moule. Là il n'y a pas de places pour les différences. Pas de places pour l'individualité. Tu n'étais pas le genre d'adolescent coincé ni solitaire. Tu étais moyennement populaire. Tu avais ta petite troupe d'amis. T'es du genre à amuser la galerie  donc il était difficile de ne pas te remarquer. Tu semblais être le parfait modèle du mec qui rentre dans le moule. Ta seule petite différence était que tu n'as jamais eu de petites amies. On te voyait souvent traînés avec des filles mais tu ne les avais jamais touché. Au début, personne ne se posait vraiment de questions. Tu étais encore jeune, ça viendra un jour. Mais voilà, tu touchais déjà à tes 18 ans et que dalle. Pas même un bisou. Tes amis te chambraient un peu à cause de ça, fort heureusement, c'étaient pas trop des connards alors lorsque les blagues allaient un peu trop loin et que tes yeux commençaient déjà à scintiller à cause de larmes retenues, ils changeait immédiatement de sujets.

C'est ton oncle qui t'as sorti de ce cage. Revenu de Séoul le temps de quelques jours pour une réunion de famille. Cette fois-ci c'était tes cousins qui se moquaient de toi. Un d'entre eux, la première personne à t'avoir fait cette remarque, t'as même demandé si tu n'était pas gay. Bien sur, c'était sur le ton de la rigolade parce que personne dans cette famille, ni dans cette foutue ville ne pouvait s'imaginer que tu pouvais être gay. Parce que pour eux, l'homosexuel, c'est un peu comme un mythe, un être imaginaire. Pour eux c'était totalement irrationel. Mais ton oncle, il a bien vu ta réaction face à leur remarque. Cela lui était familier. Après le dessert, il t'a pris à part dans un coin retiré du jardin. Vous vous êtes assis sur un banc et sans prendre de pincette, il t'a lancé cette affirmation :  «  Hyo, tu es gay. » Il a lu la panique dans ton regard, il t'a maintenu avant que tu ne puisses te lever et t'enfuir. Il prononça deux petits mots. Deux petits mots qui eut énormément d'impact sur toi. « Moi aussi. » Tu n'étais pas le seul. Le point de la solitude, un point dont tu n'avais jamais vraiment fait attention mais qui pourtant était bien présent, s'ôta de tes épaules. « D'autres personnes le sont aussi. Tu n'as jamais été le seul. Tu serais surpris par savoir combien d'entre nous existent de ce foutue pays. »  Tu n'as jamais été proche de ton oncle. Tu n'étais qu'un gamin de cinq ans lorsqu'il a quitté la ville et est parti s'installer à Séoul. Vous n'entendiez pas souvent parler de lui à part lorsque des réunions familiales étaient organisées. A vrai dire, oncle  Dae Hyun était un mystère pour la famille. Personne ne savait pas ce qu'il faisait à Séoul. Pas même ses parents. Tout ce que vous saviez c'est qu'il ne mourrez pas de faim là-bas. En effet, ce qu'indiquait ses vêtements chic et sa montre qui valait le salaire mensuel de ton père. Beaucoup supposaient qu'il était un homme d'affaire, d'autres à l'imagination débordante pensait qu'il faisait partie de la mafia. « Une chose est certaine, c'est pas ici que tu trouveras les tiens. Un conseil, fiston, restes pas ici. Tu ne seras jamais heureux. Je te dis pas qu'à Séoul la vie est rose et que les rues sont remplies de licornes  mais là-bas tu peux te créer ton espace. »

A la fin de ton année scolaire tu fis part à tes parents de ton désir d'aller étudier à Séoul. Ils étaient bien évidemment heureux que leur fils semble avoir de grandes ambitions professionnelles. Malgré tout, ils étaient un peu inquiets de voir leur fils plonger dans une ville telle que Séoul. Heureusement, l'oncle Dae Hyun s'était porté volontaire pour t'héberger et te guider dans cette nouvelle vie. Vous en aviez discuter avant même que tu n'en parles à tes parents. C'était son idée. De te faire sortir de se trou. De te libérer.

Il t'as fait découvrir un monde totalement inédit. Le monde de la nuit. Mais pas n'importe lequel. Celui dans lequel on peut enfin être sois-même. Tu y as fait de belles rencontres dans les quartiers LGBT de Séoul. Aujourd'hui, tu co-gères la boîte nuit qu'a créé ton oncle. T'as jamais cru que ça pouvait rapporter autant. Tu continues à suivre tes études histoire de ne pas éveiller les soupçons de tes parents sur ce que tu fais réellement à Séoul.